LES MANUFACTURES FRANÇAISES AU XVIII° SIÈCLE 427
A la fin du règne de Louis XV, Cozette et Audran se trouvaient entièrement ruinés, et au point qu'ils demandèrent à échanger leur situation d'entrepreneurs contre celle de chefs d'atelier avec appointements fixes. M. Lacordaire a publié sur ce sujet des pièces où la triste situation des vieux tapissiers est présentée sous les plus sombres couleurs.
D'un autre côté, les artistes se plaignaient amèrement de la modicité des prix alloués pour les modèles. Si la somme de 2,000 livres était une rémunération équitable pour les peintres qui, comme de Troy, unissaient à une grande fécondité d'imagina­tion un travail rapide; d'autres, et tout particulièrement Charles Coypel, à qui sa situation permettait de dire tout haut ce que ses confrères répétaient tout bas, déclaraient cette rétribution déri­soire.
En 1699, un peintre avait été chargé de l'inspection permanente des travaux de la manufacture, aux appointements de 600 livres par an. Les auteurs des modèles conservaient en même temps le droit de surveiller et de diriger l'exécution des tapisseries tissées d'après leurs tableaux. Cette double direction était pleine d'incon­vénients et ne pouvait manquer d'amener des conflits ; ce qui arriva. Le premier inspecteur des Gobelins fut le peintre Mathieu, rem­placé en 1732 par Chastelain, qui reste en fonctions jusqu'en 1755. En 1736, le contrôleur général des finances, Orry, rétablissait l'école des apprentis que le duc d'An tin avait laissé tomber, et plaçait à sa tête le peintre Leclerc. Cet artiste, logé aux Gobelins, y meurt en 1763.
Depuis qu'il avait été chargé de surveiller dans les ateliers l'exécu­tion des Chasses de Louis XV, Oudry était devenu de fait, sans en avoir le titre, le véritable inspecteur des travaux de tapisserie, en mème temps qu'il dirigeait avec beaucoup d'intelligence et de succès la manufacture de Beauvais. Oudry voulut astreindre. les tapissiers à la copie littérale des modèles ; il leur demandait de « donner à leurs ouvrages tout l'esprit et toute l'intelligence des tableaux ; en quoi seul réside le secret de faire des tapisseries de première beauté ». De leur côté, les chefs de la fabrication revendi­quaient le droit de conduire leurs ateliers, à l'exclusion des artistes. « Bien peindre et faire exécuter des tapisseries, répondaient - ils à Oudry, sont deux choses absolument distinctes... Il y a au garde-meuble dé la couronne d'anciennes tentures exécutées sous la con-